Ce que j’ai dit lors de la cérémonie pour Catherine

vendredi 31 janvier 2020
par  Francois Sauterey
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Comme promis à tous ceux qui me l’on demandé, voici ce que j’ai dis lors de la cérémonie.
Pour ne pas trop aider nos amis les barbouze, je ne retranscrit pas la parti sur 1982.... Finalement, après discussion avec mes amis "pablistes", j’ai décider de le publier, il y a prescription, et de toutes façon, la plupart des protagonistes ne sont plus de ce monde....

Je ne vais pas parlé ici de Catherine la documentaliste, la syndicaliste de Radio France…. d’autres le ferons mieux que moi, qui connaissaient bien cette partie de sa vie.

Non, je vais évoquer plutôt notre vie commune, notre passé commun.

Catherine est arrivé à Jussieu, Paris 7, pas Paris 6 !, en 1975.

Catherine avait quitté la demeure familiale le jour de ses 18ans. Elle était écorchée vive, très méfiante envers les « autres », peu prête à une relation personnelle, à faire confiance... Elle était convaincue de l’absolue nécessité de changer le monde. Elle me disait encore la semaine dernière son regret de n’avoir pu tenir, parmi toutes les promesses qu’elle s’était faites adolescente, celle de « changer le monde ».

Je date, un peu arbitrairement, le début de notre vie commune, à la location d’un appartement au 24 rue des fossés Saint-Bernard en septembre 1978, même si nous vivions plus ou moins ensemble depuis plus d’un voire deux.

Étudiants, militants, nous avons mené ensemble la grande grève de 1976 contre la « loi Saunier-Seïté ». Elle sera en tête de tous les cortèges de Jussieu, portant déjà la banderole ! Comme lors des grèves de 1977, 1978, 1979...

Nous partagions la certitude de la nécessité de changer le monde, même si nous n’étions pas tout à fait d’accord sur les chemin à suivre, elle à la TMRI, moi à la LCR, mais tous les deux trotskistes. Mais nous nous retrouvions sur le besoin d’un mouvement syndical étudiant fort, en commençant par le MAS, puis l’UNEF.

Après un début d’étude scientifique (elle rêvait de devenir vulcanologue) , elle optait pour l’histoire moderne ce qui lui permettait d’allier son amour de la langue espagnol et sa passion pour l’Amérique Latine… passion qui nous conduira quelques temps plus tard à un voyage, avec son frère Patrick, en Équateur et au Pérou, voyage dont nous reviendrons riche de souvenirs, et surtout d’un ami Jorge Benites Agüero.
A cet instant que de souvenirs reviennent à ma mémoire. La visite de Otavalo, le train de Quito à Cuenca, l’énorme araignée qui nous guettait dans le couloir de l’hôtel, le passage de la frontière Équateur/Pérou, les bus en panne qu’il fallait pousser, Arequipa, Cusco, les lamas, le Machu Picchu… et décidément Jorge !

C’est ainsi, que lorsque nous avons échoué à inscrire Jorge en thèse, alors qu’il était au Pérou, elle lui dit « viens sur un visa touristique de 3 mois, on verra bien après ». Le après « dura » 6 ans (je crois) dont 3 ou 4 en tant que « sans-papier »… mais Jorge prépara sa thèse d’hydrolique ! Et quelques années plus tard, c’est avec plaisir que nous avons accueilli sa fille Julia, mais cette fois-ci beaucoup plus… légalement.
Le rêve de Catherine était de profiter de sa retraite pour retourner la-bas… c’est un voyage que je ferais pour elle, sans elle.

Sa maîtrise en poche, Catherine décidait de passer un diplôme de documentaliste. Mais elle ne voulait pas faire de documentation industrielle, et encore moins travailler dans l’Éducation Nationale. Non, elle voulait faire de la « Documentation Internationale » ! Elle a donc postulé à Air France, à l’UNESCO, à l’ONU, le MAE… et finalement, c’est au service de « Documentation d’Actualité » de Radio France qu’elle a trouvé sa place, en s’occupant du secteur « URSS & Amérique Latine ». Quel secteur aurait mieux correspondu à Catherine ?

Mais avant tout Catherine était, et est resté, une militante politique. Son adhésion à la TMRI (CCA, AMR, puis finalement orpheline d’organisation), à l’autogestion, sera toute sa vie, son fil à plomb. C’est lui qui non seulement lui servira de guide dans son action syndicale, tant dans le mouvement étudiant que dans son activité professionnelle. Mais aussi dans sa vie quotidienne : elle refusera tout compromis et n’acceptera jamais la moindre concession à ses convictions, l’autogestion comme objectif, l’internationalisme comme cadre général, le marxisme par dessus tout.

C’est ainsi qu’un matin de 1982, Catherine me dit que son organisation souhaitait qu’elle participa à une opération en lien avec nos amis de l’IRA. Cette opération était évidement clandestine (et donc Catherine ne m’en dirait pas plus) et pouvait avoir des conséquences sur nos vies personnelles. Catherine souhaitait mon accord : c’est comme ça que nous fonctionnions. Bien sûr, et en particulier car je connaissais bien le rôle qu’avait joué ce courant politique dans la guerre de libération de l’Algérie en particulier Rabah Bouaziz, ami de mes parents, et quelque part, mon modèle), que mon père avait quand à lui jouer un rôle dans la lutte du peuple Vietnamien, mon accord fut immédiatement et totalement accordé.... Nous n’en avons plus parlé.
Mais voici qu’un matin, en écoutant france-inter, hé oui déjà, nous ne pouvions nous en passé, je vois Catherine blêmir, comme jamais je ne l’avais vu blêmir, avant de m’annoncer que nous pouvions voir débarquer les barbouzes d’un instant à l’autre. C’était le début de l’affaire des "irlandais de Vincennes"... et le rôle de Catherine avait été de louer l’appartement !

Lorsqu’elle est arrivée à Radio France, elle a tout naturellement adhéré à la CFDT, syndicat majoritaire à Radio France, la mythique CFDT autogestionnaire, celle des LIPs, de Piaget.
Hélas, lors d’une grève massive au début des année 1990, la CFDT tourna le dos aux décisions de l’Ag et Catherine la quitta avec de nombreux autres adhérent-e-s.
Incapable de ne pas être syndiquée, elle adhéra alors à la CGT, et batailla auprès des autres démissionnaires pour qu’ils en fasse autant, ce qui ne fût pas évident.
Pourtant, en quelques années, ce groupe de nouvelles (essentiellement des femmes !) militantes prenaient la direction du syndicat et en faisait LE syndicat, incontournable, majoritaire qu’il est aujourd’hui.
D’autres diront mieux que moi ce que Catherine a apporté à la CGT, au CHSCT, à Radio France.

L’idée s’est progressivement imposée à elle comme à moi, sans que nous n’en parlions, de fonder une famille. Je ne sais plus lequel à dit à l’autre, à la fin des années 80 « et si... ? ». Toujours est-il que Boris est né en 1988 puis Elena en 1993. C’est peu dire que Catherine s’est alors investi en tant que mère comme elle s’était investi dans tous ses autres choix, sans baisser son investissement dans son métier comme dans son syndicat !
Et c’est peu dire à quel point elle est fière de ce que sont devenus ses enfants !

Pour nos vacances, nous étions allé sur les routes, en mobylette, sans jamais trop bien savoir où nous arriverions… mais toujours plutôt au sud et en général vers l’ouest. Nous avons ainsi beaucoup visité les îles de l’Atlantique : Noirmoutier, Belle-île, Houat, Hoedic, Bréhat, Yeu… et dormi dans des champs, des prairies...
Plus riche, avec notre R5, puis la R19 et finalement notre Scenic, nous avons poursuivit nos aventures, même si les venues de Boris puis de Elena nous ont poussé vers des voyages plus raisonnables : nous ne campions plus sauvages, mais dans des campings… à la ferme si possible.
Campings du causse Mejean, ou de Lynxe (chez Jeannot) dans les Landes ou encore celui de Hasparen au Pays Basque (chez Françoise, avec qui Elena a construit des liens si forts).

Catherine a aussi réussi à me faire retourner en Tunisie, où j’avais vécu mes « années bonheur ». Nous y sommes allé seuls, avec mes parents, avec nos enfants… et je la remercie du fond du cœur d’avoir su rendre ce retour au source possible… même si nous n’avons jamais réussi à nous décider d’aller à Alger. C’est promis Boris, Elena, nous le ferons pour elle, pour vous, pour moi.

Dernière facette de Catherine : Catherine et ses chats.
Catherine avait toujours voulu avoir un animal, chien ou chat. Enfant, adolescente cela lui fut impossible, adulte elle en rêvait. Mais Boris s’est avéré allergique, asthmatique. Donc pas d’animaux… Elena elle aussi rêvait d’un animal. Alors, nous sommes passé par l’aquariophilie. Mais il faut bien avouer que l’interaction social avec le poisson rouge reste quand même assez faible.
Et voilà qu’un soir Elena pose la question « Et si on achetait un chat hypoallergénique ». Et moi de rire bêtement « hahaha ».
Mais voici que la mère et la fille se précipitent sur l’Internet, et découvre... le « chat sibérien », chat hypoallergénique !
L’élevage pouvait commencé, avec son cortège de bonheur mais aussi de tristesse lorsque Titou et Linux moururent. Aujourd’hui nos chats Kochka et Kahzig ne se comportent pas comme d’habitudes : il me plaît de penser que Catherine leur manque.

Qu’ajouter ?
Que je vous remercie tous, pour l’accompagnement tendre et affectueux dont vous m’avez entouré,
Que je suis terrorisé par les jours qui m’attendent.


Je me rend compte maintenant de tout ce que je n’ai pas dit. Mais il fallait bien faire un choix et je ne pouvais guère parler plus longtemps, sans risquer de lasser tout le monde.
Tant pis pour vous Yves, Michel, notre découverte de la neige et du ski, de la montage.
Tant pis pour la rencontre avec Patricia, sa sœur... exit nos vacances à quatre avec Patrick et mon frère, out Areski mon "meilleur ami" de passage "quelques jours" à la maison - à la mode de là-bas,
oubliée l’occupation de Jussieu - et les parties de monopoly endiablées avec David et Brigitte, la mort de Malik Oussekine, Christophe A. "courant" avec ses béquilles,
sans parler de notre découverte de la langouste au Portugal.
Tant pis pour la rédaction de son mémoire sur les généraux au Pérou sur fond de Roland Garos et de victoire de Noah.
Oublié aussi le placard transformée en serveur minitel, lors du mouvement enseignants de 1989.
Je la couvrais dans ses activités internationalistes, elle me couvrait dans mes activités de hacker...
Pas parlé non plus de ses potes de Lycée, Joël, Pifou, Annie et de leur virée au Larzac... et de nos retrouvaille 20 plus tard !
ni de nos discussion sur l’importance d’un barème pour les opérations de carrière, d’un syndicalisme défendant les personnes dans le respect de règle collective,
nos accords et parfois nos désaccords sur la manière éduquer nos enfants,
les moment douloureux lors de la mort de mon père puis de ma mère,
l’importance du cheval dans la vie de notre famille, et beaucoup moins dans celle de Catherine,
Pas un mot sur notre Bretagne, nos travaux (électricité, placo et BA13, plancher...), le jardinage et nos plantations, et finalement, la cheminée qu’elle aura vue fonctionner juste à temps...

Bref, nous ne nous sommes pas ennuyés !
Mais comment résumé 45 ans de vie commune ?


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